Mauvais
rêve, du 1er au 2 novembre 2016
Les
chemins noirs.
Je
suis jeune et « hébergé » plus ou moins volontairement, -
interné ?, dans un alpage du Massif Central. Je dors dans les bas
fonds d’une grange désaffectée, vide du foin, les animaux en fuite ou bien
morts depuis moche lurette, moi, allongé sur de la paille défraîchie.
La
bâtisse est spacieuse, elle comporte plusieurs corps de ferme, des dépendances,
dont certaines très confortables. Un château-ferme du début du siècle dernier.
Je
dois y rejoindre une personne. Une personne jeune avec qui j’aimerais faire
l’amour. Mais j’en suis empêché par des forces obscures et invisibles. J’essaie
pourtant.
J’arrive
jusqu’à la chambre de la personne convoitée, personne amie et désirante. Sa
chambre est sombre, poussiéreuse, encombrée de biens meubles, lits, fauteuils,
tables, tableaux, le tout envahi par les
toiles d’araignées invisibles.
La
personne en question me demande de faire le silence et m’enjoint de la suivre
dans sa fuite ; la fuite, dans la nuit de pleine lune, étant le seul moyen
d’être ensemble.
Elle
traverse l’Ardèche, la rivière, par un pont. De mon coté, je tente de couper en suivant la rive gauche
de l’Ardèche. Elle atteint le col de l’Escrinet. Je suis loin derrière. Je dois
refaire le chemin inverse pour la rejoindre. Je ne parviens pas à la rattraper.
Je la vois sauter au loin entre les ronces et les genêts.
La
plus part des personnes avec qui j’ai vécu, étant plus jeune, étaient
schizophrènes. Ce n’était pas un choix conscient, plutôt un choix par
défaut : les gens normaux n’ont pas d’histoire ! Mais avec l’âge, je
ne cesse de m’interroger : qu’est-ce qu’une personne normale ?
Existe-t-elle ? Une personne
normale ne serait-elle pas toujours soumise à son grain de folie ?
La
personne que je voulais rejoindre dans ce rêve, mauvais rêve, ce sont les seuls
dont on se souvienne, me rappelle cette autre personne, qui disparaissait
plusieurs mois et m’écrivait des lettres de chez sa tante à Montfavet.
En
tapant sur internet, je constate qu’elle était à l’hôpital psychiatrique de
Montfavet, qui dispose d’une unité pour malades difficiles, une UMD, dont le
recrutement est national. La personne en question habitait du coté de Dreux, à
Bazoches. C’est dingue la mémoire que j’ai, c’était il y a plus de
quarante-cinq ans ! A l’époque, fou et passablement drogué, allongé au
milieu de la chaussée, je l’avais rencontrée dans cette ville, Dreux, où
j’étais pensionnaire. Je lui avais plu, et comme elle m’acceptait tel quel, ça
allait !
Quinze
ans plus tard, à Vanves, dans un garni « de rêve », plus que dégarni,
je lève les yeux vers une fenêtre où vient d’arriver un nouveau locataire. Qu’y
vois-je, la même personne. Le hasard, purement le hasard, ou ce n’est autre que
le parcours des déclassés ?! Là encore, comme la personne voyait des yeux
qui la surveillaient au fond des trous dans les murs laissés par d’anciens
clous, je me vis contraint, à sa demande, de la conduire en urgence à l’unité
psychiatrique la plus proche, celle du Métro Corentin-Celton, Corentin-Celton,
syndicaliste et résistant fusillé par les nazis en quarante-trois. Elle y resta
de long moins, zombie comblé de médicaments.
Des
personnes comme ça, j’en ai rencontré beaucoup, beaucoup à l’échelle d’un homme, c’est
à dire quelques unes ! Des personnes, gravement malades, trépanées, bipolaires,
maniaco-dépressives, mal dans leur corps, voulant changer de sexe, etc.
Depuis,
je suis avec quelqu’un qui sait équilibrer sa folie ; je respire !
Mais je fais encore de mauvais rêves, qui n’ont pas la violence des cauchemars,
mais des rêves d’impuissance et de malheur. Des rêves de chemins noirs…
En
ce moment je lis, « Sur les Chemins Noirs » de Sylvain Tesson. Il
vient de perdre sa mère, qu’il aimait, et de faire une grave chute, imbibé
d’alcool. Il cesse de boire et marche sur les chemins noirs, ceux qui balisent
ce que les énarques appellent les régions démunies de l’hyper-ruralité !
Le livre n’a pas l’ambition de ses prétentions, mais il est petit et se lit
avec intérêt. L’auteur est sobre pour aujourd’hui, comme tout alcoolique, par
vingt-quatre heures à la fois ! J’y
relève deux trucs : de mémoire, il y en a qui rêvent d’entrer dans
l’Histoire, moi j’entre en géographie ! Et en le citant : « Le
passé m’oblige, le présent me guérit, je me fous de l’avenir ! ».
L’écriture de ce présent petit texte correspond à cette citation, l’écriture me
guérit ! Le publier ne sert qu’à me relire ! Ou à le partager…