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Ils sont tous là, les virus, les bactéries toutes, les sales petites bêtes invisibles. Et question plaisirs, ce n’est pas les Douze dialogues de bêtes de Colette. Me voyez-vous demander : comment vas-tu mon p’tit bacilliforme à flagelle ? Ou sournoisement ; ne veux-tu pas un peu de bouillon de culture ma p’tite cyanobactérie ? Quand je dis p’tit, ce n’est pas par amour mais tout simplement ces microbes sont si petits, totalement invisibles à l’œil nu, même avec des lunettes !
Mon corps leur est devenu un des coins de villégiature les plus convoités. Jaune soleil, elles se sont fourrées dans la vessie. Chaleur exceptionnelle depuis une semaine 39,4 même la nuit ! Et elles ne lâchent rien ! Elles halètent, bavent, circulent dans les tuyaux, bouchonnent un coin, se répandent ailleurs. Ce sont les élections présidentielles pour tous, pire qu’en France, toutes veulent devenir président ! Alors ça pousse, ça tape, mais ça résiste. Et moi j’ai mal !
Comme dit mon voisin de palier, on commence à s’barrer en couilles, son
diagnostic en vaut bien un autre… Je suis seul depuis quelques jours, au lit. Au lit jour et nuit. Les seuls moments où je me lève, c’est pour tenter d’essayer de pisser et ça ne marche pas à tous les coups. Comme les chiottes sont sur le palier, je m’entraîne dans une vieille casserole en alu. On se croirait en 1940 ! De temps en temps je hurle de douleur mais je me retiens pour n’affoler personne dans l’immeuble. Ils aiment ça les parisiens quand y a du bordel !
Mon voisin de palier boit. Mais pas tous les jours parce qu’il travaille. Il a besoin d’une petite cuite hebdomadaire pour supporter la vie, son travail, serveur dans un café. Ma voisine de l’autre coté boit aussi. Tous les jours, elle est au RSA. Et elle boit rarement seule. Alors j’écoute désolément leurs agapes à travers la cloison.
Evidemment j’ai une bien grosse fièvre. Et à 39-40, vous voyez on n’en sort pas, c’est la guerre, donc à 39-40° la fièvre est hallucinogène. Ne vl’a t’y pas qu’apparaissent déformés d’un tissus africain des têtes de lions, de hiboux, des poissons aux yeux globuleux, des personnages hideux qui ne semblent pas me vouloir du bien. Au dessus, la nana qui prend sa douche répand dans mon antre les chutes du Niagara. De temps en temps des lucioles, vertes et luisantes, me rappellent que les diodes luminescentes ne datent pas de la dernière pluie. Téléphones portables !
Dans mon demi sommeil je me vois actif, brassant de l’air à tout va de manière répétitive. J’invente même des systèmes électroniques jusque là inconnus. Je trie des centaines de photos. Mais cette fièvre à une double facette car comme dans les moments de fébrilités hyperactives où je vois bien que je ne produis rien du tout, l’autre face de la fièvre me cloue au lit, de douleur, de désespoir et de tout un tas de trucs pas bons. Bien entendu je ne suis pas cloué comme Jésus Christ.
Et puis rien d’autre ne m’intéresse que la douleur. Ma douleur. Plus envie de lire, ni écouter la radio, je ne mange plus, ça simplifie tout. Je bois de l’eau que j’arrive à grand’ peine à pisser. Au début la douleur surprend : elle fait mal. Ensuite elle fait toujours aussi mal. Mais petit à petit on est obligé de jongler avec ça. Et là on ne pense plus qu’à elle. Toute la journée, toute la nuit. On élabore mille et une stratégies qui changent régulièrement. On repère des moments moins durs. Mais c’est une illusion. C’est la douleur qui commande. Parce que, j’ai oublié de préciser, depuis plus d’une semaine, la seule prescription que j’ai eu : paracétamol ! La douleur, on aurait envie d’y prendre un plaisir masochiste, envie d’en jouir quoi ! Parce qu’elle a quelque chose de sauvage.
Bon aujourd’hui je commence à voir des médecins qui s’affolent. Je pourrais aller mieux, mieux faire !
Mais comment font-ils en Afrique ?!